mardi 21 avril 2009

Proust avait sa madeleine...

Quand nous habitions à N'Djaména, avant la guerre, nous allions de temps en temps manger chez Bachir avec mes parents. Bachir était un grec au nom interminable finissant par poulos. Il avait une espèce de stand, sur le trottoir (si on peut appeler comme ça un large bord de piste urbaine) avec son tournebroche. Comme il n'avait pas de frigo, mon père amenait les boissons dans une glacière.

Nous nous asseyions autour d'une des tables en ferraille et nous mangions les meilleurs sandwichs grecs de mon existence. Sa viande d'agneau, marinée dans du citron et des épices... Whoua ! Ça touchait au sublime sur mon palais d'enfant.

Bachir venait souvent partager une Gala (la bière locale, blonde et légère) avec mon père et papoter avec nous. Je ne me souviens plus de son visage, mais je me rappelle qu'un de ses pouces était atrophié et qu'il me disait que le mien deviendrait comme ça si je continuais à le sucer. J'étais impressionnée, mais je soupçonnais l'intox. Il me faisait rire...

Et il y a eu les "événements" de 79 (c'est curieux comme le mot guerre fait peur). Nous ne savons pas ce qu'est devenu Bachir...

Je n'ai remangé des sandwichs grecs qu'une dizaine d'années plus tard, à mon arrivée à Paris. Mais jamais, jamais, je n'en ai trouvé de comparables à ceux de mon enfance.