vendredi 21 janvier 2011

Le chant de Kalliopê (8)


VIII- Les Faucheuses d'Âmes

Ma journée s’était déroulée lentement, tellement j’avais hâte de me rendre à l’invitation de Lilith pour converser de nouveau avec elle.

Dès la fin de mes cours à l’Académie, alors que le soleil commençait à décliner, je me dirigeais vers l’imposant château de Camelot au premier étage duquel, m’avait-on indiqué, se trouvait la "salle des médaillons". Il s’agissait en fait d’un immense balcon surplombant tout le pourtour du rez-de-chaussée. J’étais impressionnée par la beauté du lieu, le parquet brillant, la rambarde en bois sculptée avec art, les vitraux multicolores retraçant les aventures épiques de notre bon roi Arthur et qui, dans le soleil couchant, donnaient à cet endroit une atmosphère incomparable.

À ma gauche, une masse d’aventuriers s’agglutinaient autour de deux hommes. Je compris vite que le premier auquel s’adressaient les voyageurs leur vendait les fameux colliers leur permettant d’atteindre leur destination et que le deuxième, un mage, psalmodiait un sort activant le pouvoir des bijoux. J’avançais donc vers le marchand, achetais un médaillon pour Jordheim et l’attachais autour de mon cou. J’attendais ensuite patiemment mon tour pour demander au magicien de me téléporter dans la capitale Midgarienne.

Je ne saurais décrire l’impression que j’ai ressentie au moment du "saut"... Il me fallut quelques secondes avant de reprendre mes esprits et me débarrasser du léger vertige qui m’avait envahi. Je me dis que cela s’atténuerait sûrement avec l’habitude... Une fois mon sentiment de malaise passé, je regardais autour de moi. Je me trouvais dans une gigantesque salle entièrement lambrissée, sur une large estrade où se déroulait le même manège que dans la "salle des médaillons" de Camelot. Apercevant un escalier, je le descendais prestement pour sortir du bâtiment. L’air glacial qui m’accueillit me surprit et je resserrais ma cape autour de mes épaules : "la prochaine fois, je penserai à me couvrir plus chaudement", murmurais-je.

Je me mis en route à travers Jordheim, à la recherche de la taverne des Faucheuses d’Âmes. Marcher dans le dédale des rues de la cité me permit d’apprécier l’architecture locale. Elle respirait la simplicité, la force et la solidité, à l’image des habitants de ce royaume, forcés d’évoluer dans un climat rude aux hivers extrêmement longs et rigoureux. Je demandais plusieurs fois mon chemin de peur de me perdre et arrivais bientôt en vue d’une auberge cossue dont l’enseigne portait le nom de "Chez Rosita" et d’où s’échappaient des cris et de grands éclats de rires.

Sans hésiter, j’ouvris la porte… À l’intérieur, un terrible brouhaha et une alléchante odeur de cuisine m’assaillirent. Je m’avançais vers un large comptoir en chêne derrière lequel se tenait la tenancière.

- Bonjour, commençais-je. Je cherche Lilith. Sauriez-vous si elle est arrivée ?
- Les Faucheuses se trouvent dans la salle privée, me répondit Rosita avec un sourire chaleureux. Lilith m’a prévenue qu’une jeune Ménestrelle les rejoindrait sûrement dans la soirée. C’est la porte au fond de la salle.

Je la remerciais et zigzaguais péniblement à travers la foule pour atteindre enfin mon objectif.
Je décidais de ne pas frapper, doutant d’entendre une quelconque réponse dans la cacophonie ambiante et pénétrais timidement dans le salon après avoir refermé le battant derrière moi. Une vingtaine de femmes entouraient une immense firebolgue aux cheveux verts, qui arborait un sourire radieux. Lilith se tenait à côté d’elle et demanda le silence :
- Mes sœurs, annonça-t-elle. Nous sommes réunies ce soir pour fêter le cercle ultime de notre Grande Téa. En attendant le retour de sa quête, au terme de laquelle elle arborera l’Armure Épique des membres de sa profession, félicitons-la dignement !

Elle prit son amie dans ses bras et l’embrassa joyeusement sur les joues.
- Teachaiika, bravo… et tu sais que les Faucheuses répondront présentes si tu souhaites leur aide dans ta quête.

Des vivats retentirent dans toute la pièce et les Faucheuses se précipitèrent vers leur compagne pour la congratuler.

Voir des personnes si différentes et pourtant si unies dans un tel élan de joie me fit chaud au cœur. Je sentais l’affection et le respect qui les habitaient et les rendaient plus fortes. L’émotion me prit à la gorge et mes yeux se remplirent de larmes. C’est à ce moment que Lilith m’aperçut. Elle me fit un grand signe de la main et lança :
- Kalliopê, venez que je vous présente aux filles !

Tous les regards convergèrent vers moi alors que je m’avançais et sur les visages, je ne lisais que gentillesse et bienveillance. Lilith me prit par l’épaule et me présenta. Les Faucheuses me souhaitaient la bienvenue et me posaient des tonnes de question, tellement que la tête m’en tournait. Certaines me serraient la main, d’autres m’embrassaient, toutes riaient...

La soirée fut un enchantement ! Je ne résistais pas à chanter quelques chansons rythmées, invitant les jeunes femmes à chanter avec moi et à danser. J’avais l’impression de me retrouver en famille... celle que j’avais imaginée dans mon enfance et qui m’avait tellement manquée. Celle qui ne juge pas, celle qui vous aime pour ce que vous êtes. Et repoussé par cette ambiance bon enfant, le nuage noir et dense de tristesse qui emprisonnait mon âme ces dernières semaines, se dissipa peu à peu. J’étais si bien…

Image trouvée ici

Aucun commentaire: